lundi 5 novembre 2012
L'océan
Je lis et je relis ce que je suis censée apprendre aux étudiants. Je n’y comprends rien et pourtant c’est moi qui l’ait écrit. Mon odeur et le contact du gras sur mes mains et ma tête m’empêchent de me concentrer, sans compter l’insoutenable chaleur moite et pauvre en oxygène de cette bibliothèque. Je n’arrive pas à trouver le repos. Le contact de mes cuisses sur la chaise m’horripile, alors je me sens obligée de serrer les fesses régulièrement afin de minimiser ce contact. Les larmes me montent aux yeux aussi facilement que j’aimerais m’extraire de ce corps et de cet esprit gênants et n’être qu’une molécule insignifiante. Ce que je suis, bien sûr, une molécule insignifiante de la fractale de l’univers. Mais j’aimerais en être l’élément le plus petit, le plus unique, la forme primitive.
Je traverse la bibliothèque comme un zombie; les jambes des filles, les voix, les odeurs, les paroles, les rires, tout m'agresse. Je dévie de mon chemin pour les éviter. Je n'ose pas les regarder dans les yeux, j'ai envie de pleurer de dégoût, sur moi-même (bien sûr car je ne pense qu'à moi-même). J'ai l'impression que mon mal-être physique suinte par tous les pores de ma peau, même si je sais que j'ai l'air normale. Et que si tous ces gens ont l'air normal, eux aussi suitent probablement leur propre mal-être. Ou pas? J'arrive vers Romain, je n'en peux plus, je suis obligée de lui chuchoter, de lui demander si lui aussi rêve de prendre un couteau et de s'ouvrir la peau en deux, de haut en bas, de laisser ses organes se répandre sur le sol et de tout brûler. Il rigole en disant "non".
Fumer m’apaiserait. Mais je ne veux pas fumer. Je ne veux rien. Rien, rien désespérément rien. Ou alors, si, valdinguer toutes mes affaires par la fenêtre, et courir pieds nus sous la pluie, avec des personnes qui partageraient la même chose que moi. Je n’en peux plus des gens, de ne pas pouvoir être eux, de ne pas pouvoir contrôler leur pensée, de ne pas pouvoir m’unir spirituellement. « Je n’arrive pas à accepter l’altérité ». J’aimerais être l’Etre unique. J’aimerais que tous coulent en moi, et je pourrais ainsi me liquéfier et me répandre tranquillement. J’aimerais juste être, mais je n’y arrive pas. J’aimerais être une feuille, et tomber. Mourir est impossible, même si vivre m’emmerde. Alors j’attends patiemment la fin du monde, que j’espère ardemment pour dans quelques semaines. On mourrait tous ensemble et on vivrait enfin une expérience de communion universelle, tous les égos et tous les cerveaux seraient dissous. Le seul intérêt que je vois à ma vie est la drogue, et la douce sensation de me dissoudre enfin qu’elle procure. Avec elle, je ne vis plus, mais je suis tout simplement, je suis l’air, le son, la terre. Je peux m’allonger dans la terre et être la terre. Je peux me laisser porter par les vibrations sans avoir à me préoccuper de vivre. Comme disait ma grande amie et philosophe germanophone Marit, la musique te donne un rythme sur lequel vivre, et alors tu n’as plus qu’à te laisser porter. Entre la méditation et la drogue, mon choix est vite fait. Je veux tout, tout de suite. Je suis une consommatrice, une princesse, et un vieux torchon insignifiant à la fois.
vendredi 19 octobre 2012
Pot pourri 2
Pot-pourri
Je ne me sens pas proche de vous. Je ne me sens ni incomprise ni supérieure ni entourée de teubés incompétents. C'est plutôt exactement l'inverse. Je ne comprends pas l'autre. Je crois l'empather, alors que je m'empâte dans des mdd grossiers qui, comme leur nom l'indique, ont pour but de me protéger de la vérité: mon auto-aveuglement de compassion n'est qu'un vernis ridicule sous le monstre palpitant de l'égocentrime extrême qui patiente en-dessous, et qui est malheureusement notre lot à tous. Je ne suis pas supérieure. Ma vie n'est qu'une vaste supercherie. Vous réussissez “par erreur”, en brillant tdahiens qui préfèrent sauter de toit en toit, racler les égoûts ou traîner dans les bars à pute le whisky dans une main et le désenchantement dans l'autre, au lieu de travailler. Et pendant ce temps, pendant que vous vous roulez dans la fange de l'ennui avec désespoir et mal de vivre, je note mes petites fiches, je fais mes exercices, je me lève à 8h et je prends ma douche, je fais ce qu'on me demande, petite fourmi servile, vaillant petit soldat du bonheur de la tâche accomplie. Je ne bois pas car ça fait grossir. Je ne fume pas car ça donne des rides. Et qui voudrait encore de moi, alors? Je fais des études brillantes et je me demande souvent comment ça serait si j'avais juste fait des études bien. Je suis capable de reproduire de la merde joliment enrobée sur des pages et des pages et ça passe comme une lettre à la poste. Je suis capable de débiter des âneries entrecoupée de blagues sur le petit Gregory à des étudiants qui mettent leur vie entre mes mains, scrutée par des regards endormis, ou, au mieux, incrédules. Je suis capable de dire merci quand on me félicite pour la énième fois pour mon sérieux, qui n'a pourtant rien du talent. A chaque fois j'ai envie de hurler “mais au secours, ça ne peut pas être ça, connard d'enculé, toi aussi tu fais semblant d'y croire quand tu me dis que c'est bien, car sinon ça serait avouer que toi aussi tu es bâti sur un château de cartes de mensonges et d'auto-illusions, aie au moins les couilles de me le dire au lieu de me mettre la main sur l'épaule”. Mais je ne partirai pas. Car on m'aime quand on croit que je travaille bien, et c'est le principal. Je ne suis pas entourée de teubés. Je suis une sorte d'ovni provocateur frustré incandescent mais aussi froid et coupant comme la glace. J'ai mis mes oeillères et je fonce tout droit, tête baissée, et je ne regarde pas qui suit, et de toute façon ça ne m'intéresse pas. Je fais semblant de faire ce qu'on me dit, et qui me soupçonnerait, moi, la gentille sérieuse sur qui on peut compter? J'aurais été un bon nazi. J'aurais surveillé les 110 000km de voies ferrées françaises jour et nuit et houspillé les 482 aiguilleurs pour qu'ils soient à leur poste à cinq heures du matin. J'aurais marché droit et loin, du moment qu'on m'aurait donné des médailles et une tape sur l'épaule. Ouais ok, nazi ça veut pas dire ça, mais au secours, osef. Mais j'aurais aussi été un mauvais nazi (comment savoir lequel des deux l'emporte?) car je n'y aurais pas cru dur comme fer. J'aurais été consciente de faire le boulot pour la médaille, j'aurais été sincèrement désolée pour tous ces enfants juifs qui mourraientt d'une asphyxie lente et douloureuse. Mais allez, après tout, comment savoir? Ne jugeons pas trop vite.
Ma vie ne part pas en couilles. J'ai un boulot, un appart, I walk the line. Je ne suis pas rock n'roll. Je fais tout à moitié. Je fume à moitié, je baise à moitié, je ne suis même qu'à moitié anorexique, à moitié pseudo-lesbienne, qu'à moitié drôle et qu'à moitié déprimée, qu' à moitié jolie. Je conduis à 138 sur l'autoroute. Même pas pour le genre. Mais parce que l'incongruité, la vanité et le néant de la prise de risque m'ennuient avant même d'y arriver. Ou alors c'est ce que j'essaie de me faire croire. Je ne suis accro à rien, ni à l'adrénaline, qui rend ses dépendants palpitants et chevaleresques de l'impossible, ni aux endorphines, qui font courir tous ces suceurs de joggeurs du dimanche, ni à la sérotonine des meufs pseudo-normales, (mais qui l'est?) qui bouffent du chocolat en cachette à trois heures du mat. Je peux me lever en plein après-midi, me planter devant un collègue-pseudo pote, et lui dire “s'il te plaît, tue-moi”, en faisant semblant au bout d'un dizième de secondes que c'est une blague, tout en gardant au fond de moi que c'est pas une blague, mais tout en sachant que si, c'en est une, car franchement qui a envie de souffrir et de crever sans savoir ce qu'il y a derrière?
Au secours, vous me dégoûtez tous avec votre mal-être poseur empathe incertain malheureux tristitude. Alors qu'on sait bien tous qu'au fond on est que des enculés égoïstes programmés pour survivre, et donc, logico-bio-médicalment, pour rabaisser et mépriser ceux qui nous sont inutiles. On est tous des connards. Mais parfois, j'ai juste du mal à l'assumer car “au secours je ne veux pas être encore eux”, mais c'est parce que j'ai pas encore voulu comprendre que je n'avais pas vraiment le choix. Même l'enfant africain qui crève de faim avec ses jouet fabriqués en bouchon de jerrican à essence balancés par les fenêtres des 4x4 rutilants des seigneurs du pétrole après qu'ils aient écrasé sa petite soeur, même lui c'est un connard. Enfin, je crois.
D'habitude je me dis que j'ai pas le droit de juger car “je n'ai pas souffert”, mes parents ne m'ont pas battue avec des fils électriques hors d'âge pour ensuite me vendre à un tenancier de bordel crasseux en faisant semblant de croire que c'était un marchand de tapis. Ca, c'est dans mon autre vie. Mais là j'ai envie de dire merde, de vous cracher à la gueule avec votre malheur, car au final on baigne tous dedans, bordel ou pas.
Allez, ce post vain n'appelle évidemment aucun commentaire, j'avais juste envie d'avoir l'impression de faire quelque chose “qui paraît sortir de l'ordinaire”, alors qu'en fait, bien sûr, il n'en sort pas. Tout a été dit, fait, pensé. Même Eratosthène en -200 c'était un bg trop balèze. Sans compter tous ceux que l'Histoire, dans son rouleau compresseur factice et injuste, ne retiendra pas.
Enfin, ne l'avais-je prédit à Brutus? “Dans deux semaines, je toucherai violemment le bas du sinus, car j'aurai terminé mes deadlines inutiles et vaines mais qui avaient le mérite de m'occuper”. Voilà, j'y suis, je ponds une bouse inutile, j'ai l'impression d'avoir fait quelque chose. Rien de nouveau sous le soleil. Que la roue continue de tourner, de toute façon ce n'est pas moi qui vais y changer quelque chose.
Amen mes frères et mes soeurs.
Cot cot codec
PS: Ah si, j'ai fait quelque chose d'utile cet été. J'ai porté haut les couleurs de la poulitude en amenant ma brave équipe (de boulets) à la victoire au son “d'à-tchic à-tchic -à tchic? Cot cot cot!”
Intrinsèquement, c'est ce dont je suis la plus fière, disons ces....huit derniers mois.
jeudi 19 juillet 2012
Anne-Claire
Ceske Budejovice 3
Ceske Budejovice 2
Ceske Budejovice 1
dimanche 15 juillet 2012
lundi 9 juillet 2012
Rundle Mall
vendredi 6 juillet 2012
Sur la meme longueur d'ondes
dimanche 13 mai 2012
Synesthète: dans tes rêves!
"J'ai rêvé cette nuit qu'il y avait un rapport entre les nombres et la personnalité. Chaque odeur avait un nombre, et pouvait influencer un comportement. Les bons nombres étaient le 5 et le 13.Les méchants étaient le 6 et le 12. Mon parfum "Chance" portait une odeur 5."
Ca correspond à peu près aux couleurs que je sens en ce moment: couleurs chaudes pour les chiffres impairs (3 rouge, 5 jaune, 7 rouge), et couleurs froides pour les chiffres pairs (6 bleu turquoise, 8 bleu foncé ou violet selon le contexte chiffresque). C'est comme ça que je retiens les numéros de carte de cantine de tout le monde, enfin, ça aide. 7068, 7067: blanc, orange et rouge (couleur alsacienne?)
6276: très clairement bleu turquoise, couleur normande du nord (62, 76)
6277: hybride entre le chaud et le froid, turquoise et rouge.
Voilà, maintenant vous pouvez aller manger à l'oeil au restaurant Inter-Entreprise de la rue de Tolbiac!
Novembre 2008, à quelques jours d'intervalles.
"Today is a day of change. I want to make something of my life, to create love and happiness. It's not me speaking. Universal positive energy through beins. I want to overcome sorrow, pain, cruelty, and all the forms of energy expressed in a negative way. I want to love you. Terrestrial life, external life might be miserabl in any respect, but I want to keep the fire from within burning. Our energy can be as constructive as destructive it proved to be many times. And I want to maintain and use the energy in a positive way. From now on, I decide to follow the light path instead of sorrow, complain and heaviness. Some things can be chose. Love is everywhere, sometimes next to cruelty. I have to find and turn on love everywhere I can, and if I can't, try to make people want the same. Stop destruction, let's create!"
Ok, j'avais peut-être un peu abusé du lsd. Et quelques jours plus tard:
"Ai-je le droit de dire que je suis malheureuse? Que je suis désespérée? J'ai deux impressions contradictoires. Parfois, je me dis que les moments de bonheur ne sont que d'intenses et brèves phases d'excitation qui jaillissent d'un océan de désespoir. Si j'attrape un espoir, je tire sur la corde jusqu'à ce que tout s'effondre: il était infondé, retour à la case départ. In cessante impression de tourner en rond et de ne faire qu'attendre la mort en essayant de vivre. La réflexion qui toujours accompagne cette première est que je suis heureuse, maintenant, tout de suite, et que je l'ai toujours été! Mes pleurs et ma morosité ne sont que le signe d'une faiblesse de caractère, d'une enfance trop gâtée. Autre variante: tout le monde est comme moi, sauf que j'ai la particularité de pleurer plus que la moyenne, par nature. You cannot control your mind, diraient certains détracteurs, philosophes et autres yogis. Eh bien non, definitely I cannot. Je suis déjà occupée à essayer de contrôler mon corps, et j'ai bien assez d'une prison. Par cela, je n'entends pas que que le corps (ou l'esprit) soit une prison, mais que la volonté infinie de le contrôler l'est. Autre variante encore: je suis inadaptée. Dans quel sens? Pourquoi? Pour quoi? Dans le sens où je ne suis bien nulle part, même -et c'est dur à dire, avec Lola, et c'est-à-dire avec moi-même en fait. Admettons que ce ne soit pas l'orgueil et l'égoïsme qui me rendent en permanence mal. C'est quoi alors, un caractère pessimiste peut-être?
Il n'y aucun élément de ma vie sur Terre qui puisse mener à de quelconques perturbations psychologiques. Au contraire, j'ai eu tout ce qu'il fallait pour être heureuse. Je devrais être heureuse, mais je ne le suis pas et me sens tellement coupable. Là encore, je me dis que personne ne l'est, d'où aucun espoir que je le sois un jour. Ou alors j'ai des prédispositions de caractère qui m'empêchent de voir le bon côté des choses (le "secret" du bonheur). C'est dur à changer, un caractère. D'ailleurs, je n'ai pas forcément envie de le changer, car c'est moi qui choisit d'être malheureuse. Avec tout ça, je mérite donc de l'être!Conclusion, reste dans ta merde, c'est entièrement ta faute.
L'impression que j'ai de mon expérience de vie: une continuelle déception. Jour après jour, je suis déçue. Par toutes les nouvelles choses que je fais, les personnes à qui je parle. Je cherche un modèle alors qu'il n'y en a pas. Et je traduis cette déception par deux attitudes: repli sur moi-même, ou bien agressivité vis-à-vis des "liens avec le monde" (personnes proches), qui ont pour point commun un dégoût croissant de moi-même.
A la lecture du livre (nda: livre de J. Siaud-Machin sur les gens """surdoués""", lu à cette période), j'ai cru trouver une réponse: je serais donc un zèbre! Hélas, tout me prouve le contraire: 1) je ne comprends rien à rien, 2) je suis nulle en maths. Je déteste les maths. Je les trouve moches, inutiles et absurdes. Je préfère la poésie et la danse. Quant à mes aptitudes du côté verbal, elles viennent tout droit de mon milieu ultra-favorisé. Je n'ai aucun mérite. Je suis normale. J'ai envie de mourir. Pas le passage de la vie à la mort, qui m'obsède car j'en ai très peur, ça m'obsède, tout le temps, je suis très angoissée.
J'ai plusieurs questions auxquelles je n'ai pas de réponse: pourquoi est-ce que je pleure tout le temps? pourquoi ai-je à la fois envie et si peur de mourir? pourquoi ai-je toujours l'impression que personne ne m'aime. Pourtant, une fois de plus je suis contradictoire car je pense que l'amour n'existe pas, ou alors il est extrêmement rare. Dans la réalité commune, personne n'aime totalement personne.
Tant d'incertitudes me rongent de l'intérieur. Dépendre de la parole d'autrui pour connaître leurs pensées. Quelle trahison! Le mensonge est partout! Quand je dis "je t'aime", je mens aussi. Les gens font semblant, mais je ne leur en veux pas. Mais alors pourquoi est-ce que je m'en veux à moi. Malheureusement, je crois que personne ne pourra jamais m'aider. Je suis condamnée à l'angoisse et aux pleurs. Condamnées par moi-même.
Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais ça suffit (nda: effectivement)."
Une semaine après, dans un élan d'amour pour André, je partais à Prague sur un coup de tête.
samedi 12 mai 2012
Fun Radio
samedi 5 mai 2012
Mai 2007
Un soir de mai, il fait chaud, c'est l'anniversaire d'Emilio. Je l'ai vu, il a pris du lsd, il se prend pour une fleur, je m'ennuie, j'ai peur, j'ai pris la mauvaise voie, Eric m'aime trop, je me déteste, j'ai envie de mourir, Claire est bourrée, elle se fait plus ou moins violer dans un fossé, il est 20h et je suis saoule, et le pire c'est que j'aime ça. Il est là, il va venir. Il vient, avec sa copine. Je dois me cacher pour pleurer, et qui me console, c'est Eric, quelle cruauté, quel être immonde je fais, je ne mérite pas son amour. Eric part, Claire a disparu et tout le monde s'en fout, elle ressurgira au petit main avec des griffures partout, "tout va bien", Claire ne va pas bien et tout le monde s'en fout, car c'est Claire. André est là, je suis bourrée, j'ai mon jean blanc, des sandales compensée, mon haut bleu, et j'ai même pas de soutif, je suis une grosse pute et je me dégoûte, mais je suis bourrée donc c'est pas grave. André me parle toute la nuit, je ne comprends rien, ou je ne me souviens de rien, on boit de la cachaça avec du sucre, à même la bouteille, tout ce qu'il dit, c'est que je suis belle, et ça me suffit pour le suivre dans sa chambre. A cinq heures du matin, car il pleut et que je suis belle. Je passe l'agreg mais je m'en fous, ma vie n'a aucun sens mais je m'en fous, il me propose de venir en Tchéquie, et évidemment je dis oui. Il me donne du lsd et évidemment je dis oui.
La première fois à Olomouc, le premier trajet centre-ville/fakultni nemocnice, on traverse l'hôpital, il fait nuit, très sombre, j'ai peur, et s'il me tuait là? "Un petit peu d'urban bohemia", dit-il pour me rassurer. Qu'est-ce que je serais prête à donner pour retourner à Olomouc, cette nuit-là, avec sa main dans la mienne, la veste en jean, et la chaufferie de l'hôpital qui recrache sa fumée blanche dans la nuit d'été?
http://www.youtube.com/watch?v=U0B9myYLySc&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=AO1hGoOefYQ&feature=relatedhttp://www.youtube.com/watch?v=AeAB00szD4E
http://www.youtube.com/watch?v=gZsLP9oNdeo&feature=related
Take me away
An immense tune, comme ils disent, en tout cas une chanson qui m'aura bercée pendant un an, quand ça allait bien quand ça allait mal, et qui encore aujourd'hui peut arriver à me hérisser quelques poils, bien qu'elle appartienne déjà au passé. Sans oublier que le mec de gauche est sacrément mignon. Bon, un soir, il pleut, je suis à Londres, j'ai ma veste violette, et là, je le vois, à l'abribus, une canette de bière à la main, il me sourit, je prends le bus avec lui, il n'y a pas grand monde, il me prend la main, et je ne la lâche plus. Voilà, cette chanson, le mec de gauche, ma vie en Angleterre. Le dance floor, les basses qui font tout vibrer, même les verres sur le comptoir, mon sac à franges sur un sol poisseux, mes baskets à fleurs, les néons dans la figure, la solitude, la peur, et tous ces gens autour de moi qui ressentent la même chose mais ne le savent pas toujours, le froid, l'humidité, la bière, l'accent londonien, et les basses encore, qui tapent, qui nous donnent un rythme sur lequel on peut vivre. Malheureusement, la seule personne qui peut me taker away, c'est moi-même j'en ai peur.
http://www.youtube.com/watch?v=i46IN3h9dHk
Le Monde
Elle est perfectionniste, mal à l'aise dans les relations sociales, très performante sur le plan scolaire et dans l'excès. Elle cherche toujours à être la meilleure, la première de la classe. Elle ne s'aime pas mais a énormément besoin de l'amour des autres, de ses parents, de ses amis et de ses professeurs. L'anorexie est une maladie d'amour.
2009
Une soirée d'hiver, ou d'été, je ne sais plus. Une soirée, comme les autres, on fait le trajet à pied de Fakultni nemocnice jusqu'au centre-ville, sans savoir où aller. Au hasard, ce sera Vertigo. Un bar crasseux qui pue la clope, en entrant on passe devant les toilettes, la porte ne ferme pas, il n'y pas de papier. Ce même bar où lui et ses amis se sont fait casser la gueule par des skinheads, car il leur avait fait un bras d'honneur. Le bar est plutôt vide. Ca doit être l'été, il n'y a personne que nous connaissions. André roule un joint. Un grand écran est déployé, ça doit être un dimanche soir. Ils passent des clips. André, moi, et Radiohead. Je ne sais pas combien de temps ça dure, mais ça me semble une éternité. J'aimerais que ça s'arrête, qu'on reste toute la vie comme ça. Lui, moi, le joint, la chanson, le joint, le clip, moi, lui. Pour une fois, je m'en fiche de puer, je m'en fiche qu'il se foute les doigts dans le nez, je m'en fiche de rien comprendre, mais j'ai envie de mourir ici afin d'y rester pour toujours.
http://www.youtube.com/watch?v=nPX3u0XJzKM
2012
Je vais à la Cantada, un bar gothique près d'Oberkampf. C'est soirée karaoké. Il y a Lella et son pull jaune, comme une bouée de sauvetage, Erwan qui ressemble à mon cousin, et beaucoup de gens chevelus qui crient avec une bière dans chaque main. Et là, la chanson. Je n'entends plus rien, je ne vois plus rien. Et son odeur me submerge, son odeur, l'odeur du bar, l'odeur du joint, l'odeur des toilettes qui ne ferment pas, et je ne peux rien y faire.
Il ne sent rien, il ne sent plus rien. Son cou est là mais il ne sent plus rien. Désormais, ça ne sera plus que dans ma tête.
lundi 20 février 2012
Sweet Child O Mine
Un été anglais qui serait le premier et le dernier. Un été humide et froid, mais à la fois si plein de nostalgie avant d’avoir terminé. Juillet Août 2010. Je n’habite plus au Hood, mais dans cette nouvelle résidence derrière la forêt, donc j’ai oublié le nom. Toute en brique, désertée par les étudiants, je suis heureuse et seule. Je traverse la forêt tous les soirs en revenant de Woolf College. Michelle, parfois, marche avec moi, elle qui habite encore un peu plus à l’ouest, derrière le parking de la pharmacie. La traversée est à la fois douce et lugubre, effrayante, vaguement éclairée par les lampadaires. Il n’y plus aucun undergrad sur le campus, j’écoute encore et toujours les mêmes chansons, ou bien Radio One, en revenant de chez André. Cette fois où on avait trippé dans la forêt, dansé dans le champ. Puis tout s’était fini en demi-teinte, consolée et ramenée par Michelle et Paul. Dont j’apprendrais plus tard, presque par erreur et trop tard, qu’il m’aimait sans me connaître. Avec Paul, on passe par le petit sentier dans le sous-bois, parallèle au chemin principal. Il n’est pas éclairé du tout, il y a des moustiques. Je demande à Paul s’il est un vampire, il laisse planer le doute. Rien que pour cet instant, je retournerais bien à Canterbury. Mais on savait que c’était déjà la fin. Les nuits sont enfin calmes. Je m’allonge dans l’herbe et écoute ma chanson, elle est à peine humide et il fait doux. Je n’arrive plus à savoir si je suis en train de tripper ou pas et j’aime ça. André lit son livre de Yoga, tout seul chez lui. Je repense à l’année qui vient de s’écouler, et je sais qu’ils vont me manquer, tous. C’est l’éternel problème : partir, rester, revenir, partir encore. Tout est nécessaire, excitant et douloureux à la fois. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de ma vie.
http://www.youtube.com/watch?v=neDhmV0BZ08
jeudi 16 février 2012
Serre-Chevalier 2
J’y retourne donc cet hiver. Tout me revient en mémoire immédiatement. Je n’ai pas la même chambre, mais le reste n’a pas changé. Les lits trop petits, l’absence de savon, le froid, l’absurdité des échanges forcés entre personnes qui ne se connaissent pas et tentent à la fois de cacher et de partager leur solitude. C’est tout ça que j’aime. Mon vernis bleu offre une ouverture insoupçonnée à tous ceux qui me voient comme une personne disponible. Samuel est magnifique, il ressemble à Benja. Grand, blond, avec de grands yeux bleus et une bonne éducation. Comme Benja, il dégage cette froideur de la timidité qui l’écarte irrémédiablement des autres. Il me colle toute la semaine, et je m’évertue à lui faire comprendre indirectement que je ne suis que moyennement disponible, et encore moins pour lui. Il y a quelque chose de forcé dans son attitude qui me gêne, bien qu’il soit sensible à la musique. Nous chantons ensemble au karaoké. Mercredi soir, des mecs bien comme il faut, des monos je crois, jouent à la guitare et chantent. J’ai juste envie de les regarder. Il essaie de me parler et je n’arrive pas à lui dire de fermer sa gueule. J’abandonne. Vendredi soir, « la soirée de la dernière chance » comme ils l’appellent. La soirée de tous les dangers, celle de tous les Charles-Xavier. Mais je n’ai plus vingt ans, et boire m’apparaît maintenant comme la recherche vaine d’un état que je ne retrouverai jamais. « A quoi bon ». Un mono ivre mort danse avec moi. Il vient de la Haute-Vallée de la Clarée, avec son air de hippie édenté, et même s’il sent le punch, je ne peux pas m’empêcher de l’aimer. Samuel en a marre de mon indifférence et se jette sur ma colocataire, une grande brune belge un peu neuneu mais gentille. J’ai à peine le temps de tourner la tête qu’ils se roulent de grosses pelles baveuses. Je ne comprends pas tout en ayant peur de comprendre. Une fois de plus, la nature humaine, y compris moi-même, me dégoûte.
Serre-Chevalier 1
Sur un coup de tête, un besoin d’air, un besoin irrépressible de me tourner vers ce que je connais et me rattache au passé. Partons faire du skating, partons à Serre-Chevalier. Cette vallée revient étrangement souvent dans ma vie. Noël 2006, au fond du trou si l’on peut dire, j’y retourne, seule cette fois. Je me rappelle des pommes noisettes, des filles qui ne m’aimaient pas, de mon rôle de fausse allumeuse car c’est le seul qui ne me dégoûte pas. Le froid, le soleil, la douleur qui est aussi ma récompense. Charles-Xavier, ou quelque chose comme ça. Il me drague depuis le premier soir, qui était également le soir de mes 21 ans. Il en reste une vidéo. Et quand je la regarde, je ne peux m’empêcher de penser, comment n’a-t-il pu voir la tristesse dans mes yeux. Je suis la seule fille du groupe, et la photo prise par Yves nous as immortalisés sous un beau soleil, où l’on ne peut pas voir la violence et l’hypocrisie de nos échanges, qui ne m’ont frappée que bien plus tard. Thibault est le plus attachant. Etudiant à l’école des officiers de la marine marchande, au Havre. Qu’est-ce qu’il vient faire du skating à Serre-Chevalier, on se demande. Il a fait le tour du monde sur un méthanier. Je lui demande de me parler du cap de Bonne-Espérance et du détroit de Singapour. « Ce n’est pas un monde facile, quand à 21 ans tu dois avoir sous ta responsabilité une équipe de marins dont l’intérêt ne porte que sur les magazines de cul. Aller aux putes à chaque escale, c’est presque une obligation ». Je ne sais pas si je dois le croire quand il dit ne pas y aller. Il n’a pas d’adresse e-mail et c’est absurde en 2006. Les quatre garçons dorment tous ensemble. Thibault : « ça ne vole pas haut, ils parlent de toi et de branlette ». Le dernier soir, c’est Charles-Xavier qui gagne. Je suis bourrée comme je pouvais l’être à 20 ans, avec insouciance, légèreté et désespoir. C’est déjà la fin de cette vie que j’aimais tant mais qui n’était qu’une euphorie permanente, qui nous a tous laissés sur le carreau. « Le ski alpin », comme dirait Yves. Il insiste pour que je couche avec lui, notre échange se résume à : lui: « allez, sois pas coincée » (et diverses tentatives de ce genre), moi : « non ». Et quand finalement il fourre sa langue dans ma bouche et que je me laisse faire, j’ai envie de mourir.