jeudi 19 juillet 2012
Ceske Budejovice 1
Aller de Brno a české Budějovice n’est pas une mince affaire, traverser le pays par un axe qui n’existe pas. Je viens de passer six semaines à apprendre le tchèque à Brno, en plein été, dans cette ville de province endormie, à imaginer comment je vais repeindre les murs de la chambre à Schodová, à regarder André finir son mémoire de licence, à apprendre des déclinaisons par cœur et à manger des sandwichs Krokodýl. J’ai envie d’aventure. Alors je me suis inscrite à un camp de volontaires pour retaper une ferme de bouddhistes dans la campagne de Bohême du sud. Je commence par mettre en pratique mes notions de grammaire. české Budějovice c’est du pluriel (« les ? tchèques »). On ne dit donc pas « Je vais à české Budějovice », mais « Je vais à českých Budějovic » (soit [tchèssekirrr (jota espagnol) boudiéllovitz]), et rien que ça, c’est un petit voyage. J’aurais pu choisir les ruines de château en Slovaquie, mais j’ai décidé que c’était trop loin. Et voilà comment je me retrouve à la gare routière au petit matin, derrière une file immense de gens qui attendent avec des sacs tatis remplis de choses non identifiées. Lorsque je réalise qu’ils attendent tous pour le même bus, et surtout quand je vois la gueule du bus, je manque de défaillir. André n’a pas l’air étonné, il me pousse gentiment dedans et vire une vieille pour que je puisse m’asseoir (enfin, dans l’idée). Le bus doit bien avoir 30 ans, les compartiments à bagages au-dessus de nos têtes sont des filets. Il y a 50 personnes assises et à peu près le double entassé debout, il fait 35 degrés, et je ne sais pas où l’on va, mais on y va. Est-ce vraiment l’Union Européenne ? L’espace Schenghen ? Ca me rappelle la Roumanie, mais au moins la Roumanie assume son côté arriéré. La Tchéquie, elle, nous fait croire au train à grande vitesse et aux autoroutes flambant neuves, alors que nous nous retrouvons tout de même en 2009 dans un combi Volkswagen agrandi cahotant sur les routes de campagne , liaison la plus rapide entre deux métropoles régionales. Est-ce bien sérieux, tout cela ? La plupart des gens descendent dans un bled non-identifié (je ne peux rien voir et c’est terriblement frustrant de ne pas savoir pourquoi ils descendent ici et pas ailleurs), et l’autre moitié à Jihlava. 250km et quatre heures plus tard, me voilà débarquée à destination, bien décidée à pratiquer le tchèque de façon assidue avec les autres volontaires. Sauf qu’une fois de plus j’ai omis de réfléchir: ce sont des volontaires par définition internationaux. Et manque de pot, ce sont quatre filles, dont trois francophones, et une sympathique coréenne qui passera son temps à sourire et à ne rien comprendre. Notre coordinatrice est tchèque, mais bien sûr refuse de parler tchèque avec moi, car « ce ne serait pas juste que les autres ne comprennent pas ». Elle a une tête à avoir fait du scoutisme et du bénévolat auprès d’enfants autistes. Je décide de lui accorder une seconde chance. Nous voilà partis une fois de plus en bus, vers un trou de cul de la campagne tchesquéboudiéllovitzienne. Il y a deux bus par jour, l’un qui va en ville, l’autre qui en revient. Impossible de fuir, pense-je immédiatement. Le piège se referme. Faire du stop ? Je jette un coup d’œil à mes camarades et décide d’abandonner cette piste. La ferme est déjà assez bien rénovée, et habitée par une communautée de néo-hippies adorant un gourou d’une branche dissidente du bouddhisme classique : Lama Ole, un danois marié à une barbie, qui ont orientalisé les principes du bouddhisme pour le vendre aux occidentaux. Il y a une photo de Lama Ole sur la porte du frigo, il pose sur une Harley, casque à la main, cheveux blonds en brosse, sourire dentu. Je déglutis. Nous dormirons dans une pièce non meublée, à côté de la salle de prières. Infestée de moustiques, je me badigeonne chaque soir de produit qui pue, ça fait râler tout le monde, mais je n’en ai rien à foutre. Le « chef » m’interdit de tuer les moustiques car ils pourraient être la réincarnation de ma grand-mère. Il est sérieux. Je l’emmerde et sors prendre l’air. Devant notre porte, un chat est en train de dévorer une souris. Trois crics et un croc, il ne reste rien. Je me prends d’affection pour lui.
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