J’y retourne donc cet hiver. Tout me revient en mémoire immédiatement. Je n’ai pas la même chambre, mais le reste n’a pas changé. Les lits trop petits, l’absence de savon, le froid, l’absurdité des échanges forcés entre personnes qui ne se connaissent pas et tentent à la fois de cacher et de partager leur solitude. C’est tout ça que j’aime. Mon vernis bleu offre une ouverture insoupçonnée à tous ceux qui me voient comme une personne disponible. Samuel est magnifique, il ressemble à Benja. Grand, blond, avec de grands yeux bleus et une bonne éducation. Comme Benja, il dégage cette froideur de la timidité qui l’écarte irrémédiablement des autres. Il me colle toute la semaine, et je m’évertue à lui faire comprendre indirectement que je ne suis que moyennement disponible, et encore moins pour lui. Il y a quelque chose de forcé dans son attitude qui me gêne, bien qu’il soit sensible à la musique. Nous chantons ensemble au karaoké. Mercredi soir, des mecs bien comme il faut, des monos je crois, jouent à la guitare et chantent. J’ai juste envie de les regarder. Il essaie de me parler et je n’arrive pas à lui dire de fermer sa gueule. J’abandonne. Vendredi soir, « la soirée de la dernière chance » comme ils l’appellent. La soirée de tous les dangers, celle de tous les Charles-Xavier. Mais je n’ai plus vingt ans, et boire m’apparaît maintenant comme la recherche vaine d’un état que je ne retrouverai jamais. « A quoi bon ». Un mono ivre mort danse avec moi. Il vient de la Haute-Vallée de la Clarée, avec son air de hippie édenté, et même s’il sent le punch, je ne peux pas m’empêcher de l’aimer. Samuel en a marre de mon indifférence et se jette sur ma colocataire, une grande brune belge un peu neuneu mais gentille. J’ai à peine le temps de tourner la tête qu’ils se roulent de grosses pelles baveuses. Je ne comprends pas tout en ayant peur de comprendre. Une fois de plus, la nature humaine, y compris moi-même, me dégoûte.
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