jeudi 19 juillet 2012

Ceske Budejovice 2

Notre boulot consiste à aider « le chef », un polonais dragueur toujours torse nu, marié à l’une des femmes de la communauté mais couchant officiellement avec une autre. Bonjour l’ambiance. Nous enlevons du crépi des murs, creusons des trous, tondons la pelouse, cimentons un sol. Quelques jours plus tard, une toute jeune polonaise arrive, elle est visiblement anorexique et a un peu de moustache. Elle est venue de Varsovie pour sculpter une statue de Bouddha en terre glaise, aidée par « le chef ». Chaque matin, elle arrose la statue pour la rendre malléable. Jour après jour, on voit le Bouddha assis prendre forme, pendant que nous grattons inlassablement le crépi. Je suis habillée un sac avec un tee-shirt vert bouteille d'une marque de bière emprunté parmi les plus moches t-shirts d'André, et je gratte du crépi pour des pseudos-bouddhistes infidèles qui mangent du saucisson mais ne tuent pas les moustiques. Je me demande vraiment ce que je fous là, et ce que la polonaise fout là à sculpter Bouddha dans un pays étranger. Elle parle un peu français et me prend en affection.
Parfois, l’après-midi, nous avons le droit d’aller nous baigner au lac voisin, typiquement tchèque, avec des petites cabanes en bois tout autour qui rejettent directement leurs déchets dans le lac, des pêcheurs, des sentiers douteux avec des digitales et des mouches, une chaleur poisseuse qui colle à la peau et se mêle aux effluves des barbecues, l’atmosphère étouffante d’un pays qui ne connaît pas la mer et meurt d’ennui dans la chaleur du mois d’août. La même atmosphère qu’en Hongrie, les lacs de carrière, les champs de blés, bordés de plants de marijuana sauvages et paraît-il infertiles, qu’en Moravie avec les piscines délabrés à l’eau verdâtre et aux festivales de tuning. La même atmosphère du temps qui s’est arrêté, figé dans la chaleur et la nostalgie, et qu’on ne peut faire avancer qu’à grandes gorgées de bière. L’atmosphère du fromage pané, des barres chocolatées Tátránky, du cochon qui grille, des enfants en short et des hommes en sandales, des Lada pétaradantes diffusant de la techno bon marché à plein volume, des grandes herbes qui sont à peine agitées par la brise de la nuit tombante.


1 commentaire:

Je ne suis. a dit…
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