mardi 28 juin 2011

Couch Surfing part 2

Je ne connais personne à Adelaïde, et si vous avez lu la plupart de mes messages, vous avez compris que j’ai du mal à me faire des amis. C’est donc tout naturellement qu’au lieu de rentrer seule dans un pub, j’ai décidé de trouver des amis via internet. Il y a un pub en bas de chez moi, The British, established since 1832. Ca doit donc en faire un des bâtiments les plus anciens de la ville. A chaque fois que je passe devant, je pense à Michelle, qui allait tous les soirs au Dog, à un quart d’heure du campus vers le nord à Canterbury. Pas seulement pour draguer le serveur, mais parce qu’elle s’y sentait bien, à parler aux vieux messieurs et à caresser les chiens. Je n’ai pas son courage. Et elle dit ne pas avoir le mien de rencontrer des inconnus par le web. Une différence générationnelle peut-être. Je lance donc des bouteilles à la mer sur couchsurfing.org, non je ne cherche pas un canapé mais quelqu’un à qui parler. Kyle me répond, il a des dreads, il est canadien, et sur sa photo il fait du canoë. De toute façon, j’ai pas trop trié dans les options. Il me demande si je veux venir prendre le thé chez lui et si je suis végétarienne (un peu déconcertant, tea veut dire dîner en Australie comme c’est le cas à York ? et qu’en est-il au Canada ?). Et puis finalement il m’appelle. « Eh si tu veux, je dois raccompagner un ami dans les collines, alors on peut t’emmener voir le Mount Lofty si tu veux ». J’ai pas trop compris, je me rappelle vaguement avoir passé deux jours à lire des histoires de serial killers sur wikipédia avant mon départ, mais comme j’ai très envie de voir le Mount Lofty et qui ne tente rien n’a rien, je dis ok. Kyle et son ami aux cheveux teints en noir arrivent dans un vieux pick-up pourri me ramasser devant le zoo. Ils ont l’air sympa, donc je me méfie. Ils essaient de faire la conversation, mais c’est dur avec le bruit du moteur. Apparemment, ils habitaient le mois dernier dans un cottage dans les Adelaide Hills, où ils ont hébergé 25 couchsurfers dont 22 Français. Pas de bol, je pense, mais ça n’a pas eu l’air de les déranger, car ils ont tous sans exception proposé de faire des crêpes. De crêpes on parle de champignons (quoi mettre dedans), puis à mon sujet de master de l’année dernière, puis aux magic mushrooms, tout ça en vingt secondes à peu près. Pourtant j’ai franchement pas la tête de l’emploi. Gentiment, Kyle prend la scenic road pour grimper, et je me demande sérieusement si, plutôt que de me retrouver coupée en morceaux sous une pierre, le shérif ne va pas nous retrouver carbonisés au fond d’un ravin. Kyle tourne la tête pour nous montrer la vue, et à chaque fois le pick-up fait un écart. Alors je pense à ma mère et j’ai pas envie de mourir.

On arrive dans une petite maison d’où sort de la fumée de cheminée. Une petite dame avec des très gros seins nous accueille et nous sert du thé. Elle vient de passer six semaines en France et a proposé à trois jeunes à dreadlocks et cheveux teints en noir de housesitter sa maison. Kyle et ses amis ont donc nourri le chien et les poulets pendant six semaines, et la dame a l’air contente. « She is quite spiritual » me confie Kyle.

Nous laissons l’ami aux cheveux noirs quelque part près d’une autoroute et rentrons chez Kyle pour prendre le fameux tea et regarder un film. Il est très taciturne et j’espère ne pas le déranger, mais après tout c’est lui qui m’a proposée de venir. Il me demande si j’ai un copain, comme le moniteur d’auto-école, et ça me met un peu mal à l’aise. Arrivés chez lui, je lui cuisine donc un curry thaï pas bon avec du lait de coco périmé (il se nourrit avec les produits trouvés dans les poubelles du supermarché), puis on regarde un film de merde sur mon ordinateur. Maintenant, il house-sit la maison d’un couple homo, qui se sont mis en photo sur tous les murs, dans une banlieue d’Adelaïde qui s’appelle Prospect. Il me montre comment il a construit un didgeridoo avec un tube en plastique, et étonnamment ça marche. Puis comme il ne dit rien et moi non plus, et qu’en fait il fait tout noir, je lui demande de me raccompagner chez moi en voiture, ce qu’il accepte sans problème. Il me dépose à Melbourne street, et l’on se dit poliment qu’on s’appellera pour prendre un verre. Ce matin, je ne savais pas ce qu’il pensait de moi, alors je lui ai laissé une bonne review sur le site de couchsurfing, mais il n’a pas fait de même. C’est marrant, on dirait du blind dating. Peut-être que mon curry n’était vraiment pas bon.

Couch Surfing part 1

L’année dernière au mois de mai, j’ai sauté dans un train pour assister à un workshop sur la télépathie avec les animaux dans la banlieue de York, comme ça me prend de temps en temps. Ce fut ma première expérience de Couchsurfing. Je rencontre Siobhan vers 21h à la sortie du cinéma où elle travaille, elle m’avait tout de suite bien plu car elle avait un piercing au menton. Elle me propose d’aller boire une bière avec ses collègues, puis on prend le bus pour rentrer chez elle et son copain. Une petite maison dans la banlieue de York, typiquement anglaise, en brique. Il y a plein d’escargots dans la rue, comme c’est souvent le cas en Angleterre, allez savoir pourquoi. Elle a 24 ans, il en a 26, ils ont deux chats, et ils ont acheté ensemble cette maison. Je suis assez impressionnée, ça veut dire qu’ils savent qu’ils vont rester ensemble toute leur vie, c’est beau l’amour. Remarquez, il est Capricorne et elle est Scorpion, généralement c’est solide, l’un s’accroche avec ses cornes, l’autre avec ses pinces. Siobhan me regarde d’un air gêné, « tu sais, je t’avais dit une nuit seulement, mais tu peux aussi rester demain si tu veux ». Ils ont déjà accueilli deux Coréennes pendant trois jours, ils doivent en avoir marre, je suis touchée. Elle a dû être rassurée par ma cuculterie. Le copain me demande timidement s’il peut fumer, bien sûr pas de problème, et là il sort un beau sac d’herbe. Et au fur et à mesure, on se retrouve à regarder ce film au nom imprononçable avec des Q et des A dedans, des images sensée faire réfléchir et de la musique classique en fond, et à parler du sens de la vie, de la mort, et de l’acide. Ca me met dans l’ambiance pour le workshop à suivre. D’ailleurs ils insisteront pour en savoir plus le lendemain soir, autour d’une chope de bière, dans un lieu improbable : un bar tchèque de la vieille ville de York qui sert de la Bernard Pivo à la pression (ce n’est pas une blague). Un ou deux mois plus tard, Siobhan et son copain se sont séparés.

The Gym

Ici comme ailleurs, on retrouve les mêmes habitudes. Aller à l’autre bout du monde ne change pas grand-chose. Les premiers jours sont difficiles, on ne sait plus où on est, les bruits sont différents, les voitures roulent dans le mauvais sens. Alors on se raccroche à quelque chose de familier. Sans surprise, je me suis accrochée tout de suite au fitness center. C’est comme entrer dans un gymnase, ou même dans une église. Une certaine odeur, au fond toujours la même. Les machines, les cours d’aérobic dans une salle climatisée, les compteurs de calories et les filles blondes en mini-short. C’est tellement rassurant de savoir que, où que l’on aille, on va retrouver la même chose. Bon bien sûr, ce n’est pas valable partout. Ca me rappelle Canterbury, un été passé à aller à la gym tous les jours à la même heure, à croiser Paul, à regarder les canards par la vitre. Je ne suis pas encore à mon aise à Adelaïde, mais je sais déjà que ça me manquera, même si je n’en suis pas particulièrement fière.

J’ai bien dû faire rire la fille à l’accueil. Elle a une tête d’Anglaise, à moitié blonde à moitié rousse. D’une manière générale, les Australiens sont à part, mi-Anglais, mi-Américains, mi-Germaniques dans l’amour du vélo et du casque (oui je sais je ne suis pas bonne en maths). Elle me regarde venir la première fois, le premier jour d’ailleurs, avant d’aller dans le Napier building où se trouve le bureau que l’on m’a gracieusement prêté pour me branler pendant un mois. Elle ne dit rien, me laisse faire, prendre les horaires, inspecter d’un air curieux, et humer l’air ambiant. Je reviens en fin de journée. « Ah vous êtes revenue ! » Rien de plus. Ca me fait plaisir qu’elle m’ait reconnue, alors rien que pour ça je m’inscris. Si c’est une technique de marketing, elle est efficace. Je m’inscris et je m’en vais.

Je reviens trois jours plus tard, toute excitée à l’idée de tester le cours de Pilates du cru. J’arrive forcément un peu en retard, l’air perdu, mes baskets à la main, ma bouteille d’eau sous le bras, et mon sac à dos à fleurs à moitié cassé avec le câble de batterie de l’ordinateur qui dépasse. Une autre fille m’accueille, à côté de l’ « Anglaise ». Elle me demande de sortir ma carte de membre et trois dollars, évidemment je ne la trouve pas et toutes mes affaires tombent, un beau tableau. L’Anglaise rigole, « C’est bon elle est membre ». Les deux filles m’expliquent la marche à suivre, et j’essaie en vain de franchir le portillon en passant par la droite. Déjà à la bibliothèque j’ai tenté plusieurs fois de rentrer par la sortie, faut dire que tout est à l’envers ici. Je mets en route le vélo elliptique, le compteur commence à tourner, et tout de suite je me sens comme chez moi.

dimanche 26 juin 2011

Chroniques australiennes 2

J’ai voulu faire ma maligne en faisant une thèse sur l’Australie, alors maintenant il faut assumer. Je suis hébergée dans un bâtiment de l’université d’Adelaïde : une grande maison très froide à l’écart du centre-ville, qui doit bien pouvoir accueillir 10 personnes, mais bon « là vous avez pas de chance, vous serez toute seule pendant 15 jours ». J’ai bien choisi ma période, c’est l’intersemestre. Et sans internet bien sûr. Je cours donc acheter une clé 3G qui, même si elle me permet de regarder la météo, me condamne à dire adieu aux vidéos Youtube sur des chatons prenant des bains qui mangeraient mon forfait en deux minutes. Je décide donc d’aller faire un tour dans les rues animées de North Adelaide. A 17h il fait nuit noire, comme à Duke, comme à Canterbury en hiver, mais je n’y suis toujours pas habituée. Et l’éclairage public est en option dans la plupart des rues. Bon c’est pas grave, je devrais être guidée par les bruits des chopes de bière qui tintent, des éclats de rire et des rediffusions de matchs de rugby. Le hasard fait bien les choses, le Petit Futé m’apprend que j’habite à proximité de deux rues fameuses pour leurs soirées animées : O’Connell Street et Melbourne Street. Je me délecte à l’idée de bars enfumés et de beaux surfeurs que je vais pouvoir charmer avec mon frrrench accente. Je vérifie trois fois le nom ma carte, oui oui c’est bien là. On se croirait à Clermont-Ferrand un samedi soir d’avril (cf. les championnats de France 2000 et le seul restaurant d’ouvert qui était un kebab). Ils n’ont pas de pub dans ce pays ? A force de vouloir se la jouer chic et européen avec des fine dining restaurants tous les 10 mètres, il n’y a plus que ça. Je rentre déçue la queue entre les jambes manger des tartines au ketchup et aux brocolis (j’exagère, ça s’était en Angleterre avec Claire, mais presque), et regarder des films d’auteur (LOL notamment). Ma solitude fait pâle figure à côté des déboires des ados d’aujourd’hui.

Chroniques australiennes 1

Les Australiens sont obsédés par l’idée que l’on pourrait introduire des parasites chez eux. Ils ont dû être vaccinés avec ces histoires de lapins et de dingos qui ont ravagé la faune locale, et les ont conduit à construire des murs de plusieurs milliers de kilomètres de long au beau milieu du désert. Résultat, interdiction de ramener sur leur sol pur quelque nourriture que ce soit, même celle de l’avion. Des panneaux très sérieux dans l’aéroport avertissent les trafiquants de mouches à fruits des ennuis judiciaires auxquels ils s’exposent. Avant d’atterrir, on remplit un questionnaire très sérieux nous demandant si l’on amène des charcuteries et autres saucisses fabriquées à domicile. Ils ont même mis au point un « unauthorized goods detection device » très perfectionné : une chienne renifleuse. Evidemment, à la vue de mon passeport français, j’ai droit à la chienne, et à un officier qui me regarde droit dans les yeux et me demande avec insistance et un fort accent indien : « camemberte ? foie gouas ? pâtéé ? saucisse ? ». C’est plus fort que moi, je rigole (la fatigue sans doute), et là je comprends mon erreur. Direct à la chienne ! Mais la chienne s’en fout que je rigole et me laisse partir car j’avais tellement faim à Singapour que j’ai fini en douce dans la salle d’embarquement mon pâté au camembert et mes klougs roulés à la main sous les aisselles.