mardi 8 novembre 2011

Fall is coming

Assise sur le tapis à regarder un énième de 90' Enquêtes. Mais comment faisait-on sans les chaînes de la TNT? Certes, on avait MTV. A défaut de Dismissed, nous avons donc maintenant une dizaine de reportages sur Paris, les Dangers de la Nuit qui tourne en boucle toute l'année sur TMC et W9. Le lieutenant Robert vient d'envoyer à l'hôpital un jeune ado stupide et dépressif sans rien ressentir, et sa brigade "part faire une pause à Pigalle". Au passage, ils insultent un bus qui ne leur a pas laissé la priorité au carrefour. Puis ils vont patrouiller chez les prostituées ivoiriennes qui fument du crack tout en faisant attention de ne pas se faire mordre l'oreille. J'ai déjà vu ce reportage un bon millier de fois, et pourtant à chaque fois c'est différent. Tous ces mardis ou jeudis soirs passés chez Romain, sur son canapé plein de rognures d'ongle, à vaguement rouler un joint et espérer qu'il se passe quelque chose. Je n'arrive pas à savoir si ça me manque ou pas. Et toutes ces soirées passés allongés par terre, sur la moquette verte, le parquet de Schodova, le lit de Woolf, à regarder des épisodes de Big Bang Theory avec Ondrej (ben oui, l'amour c'est regarder dans la même direction, n'est-ce pas?).
C'est donc l'automne et la période de la nostalgie, où l'on fait les bilans, où l'on ressort le vieux manteau du placard et les citrouilles de derrière les fagots (oui bon, on fait aussi ça au printemps, mais en l'occurrence, là, c'est l'automne). Comme j'aime ce retour de la pluie et du froid qui marque le renouveau! Bientôt, le premier matin où, en partant à l'école (pardon, à la fac), il fera nuit noire et on respirera de la buée. Ca arrive généralement avant le changement à l'heure d'hiver, quand il fait nuit le matin. Pas cette année. Ce n'est pas un signe du réchauffement climatique mais plutôt de mon inaptitude à me lever tôt.
Romain a passé la Toussaint à Sainte-Vaubourg et dit qu'il aimerait y habiter. Ca parait romantique comme idée, à s'occuper des poules, tailler des citrouilles, faire des gâteaux et avoir peur des fantômes. Il faudra aussi qu'il pense à se trouver un métier. Il a pensé à DJ et stripteaseuse. Ca me va. L'automne, c'est aussi la période où Ondrej drague sa belle au bois dormant, une punkette à chien de 19 ans qui, il l'a dit "est encore malléable, elle change", alors que moi, "tu ne changeras déjà plus jamais, Bobanka". Déjà une vieille peau qui regarde la TNT en mâchouillant des croûtes de fromage. Et merde, virée par une jeune malléable.

mercredi 24 août 2011

La Grenouille Cosmique

Les années passent et se ressemblent, après l'hiver australien vient l'été et sa ribambelle de festivals auxquels on n'a jamais le temps d'aller. Cette année, j'ai encore raté le Transylvania Calling, dans la montagne près de Sibiu, en Roumanie. Jindra et sa (nouvelle) copine y sont allés, ils nous racontent tout ça et finalement je ne regrette pas. C'est un peu comme si j'y étais. Les huit heures de train Bucarest-Sibiu, le tracteur payé 100 dollars pour monter les festivaliers et leurs bagages, les Bretons dans des vans déglingués, les deux premiers jours sans scène ni musique mais avec pluie, les spaghettis hors de prix, la douche froide, les chiens, le camping à 2000 mètres d'altitude, les Gitans qui ramassent des myrtilles et conduisent des voitures sans portières. Apparemment, 90% des festivaliers étaient français et allemands et Jindra s'est senti un peu dépaysé.

Pour tout mal il y a un bien, et si je n'ai pu aller à Sibiu, André me propose d'aller au festival de la Grenouille Cosmique, près de Uherské Hradiste. Je ne saurais refuser pareille occasion, et j'espère secrètement qu'il y aura un stand de bramboraky. Luxe suprême, nous irons en voiture, dans la vieille Skoda de son grand-père. Et puisque je suis officiellement désignée apte à conduire, j'aurai même le droit de prendre le volant. Ce que je fais plus que tôt que prévu. A peine sortis de la ville, il s'arrête sur le bas-côté, ouvre la portière: "allez, à toi!". Oh mon dieu, nous sommes trop jeunes pour mourir! (quoique). Heureusement, il a eu la bonne idée de ne pas payer la vignette d'autoroute, donc je n'ai pas à dépasser les 80 km/heure (et de toutes façons le moteur ne semble pas vouloir aller au-delà). Une petite ballade bucolique dans la campagne morave, égayée de demi-tours, coups de klaxons et cueilleurs de prunes arrêtés inopinément au milieu de la route (pour la slivovice), sur des routes soit pavées, soit pleines de trous et bordées d'arbres. Miraculeusement, nous arrivons à la Grenouille Cosmique avant la tombée de la nuit, au fin fond d'une petite vallée où se situe un complexe touristique soviétique et dont l'on pourrait traduire le nom par "le joli petit endroit qui pue". André ne cesse de rencontrer des gens qu'il connaît, et je m'aperçois avec horreur qu'il n'y a ni langos, ni bramborak, ni trdelnik, mais un stand de tofu grillé et de tortillas.
C'est un petit festival qui se divise en deux scènes. L'espace "chill out" se situe dans la baraque principale, où il est écrit "réfectoire". C'est un lieu courant de camps en tous genres et colonies de vacances. Les tables et chaises ont fait place à des tentures fluos pendues au mur et décorées de silhouettes bizarres avec des trompes d'éléphant et beaucoup trop d'yeux. Un salon de thé improvisé sert de l'eau, de la limonade au gingembre et des tee-shirts. La deuxième scène, principale, est beaucoup plus loin, et il faut descendre une petite butte pour y accéder, qui le soir se transforme en patinoire boueuse. Il y a également une piscine vide, que l'orage n'a pas réussi à remplir. La musique n'a pas encore commencé. Une petite buvette improvisée entre deux tentes, surmontée d'un écriteau "Bar", sert également du thé ayurvédique. Nous nous y reposons un peu. Un jeune homme arrive et demande ce que l'on y sert. La responsable s'enquiert de lui répondre toutes sortes de thés possibles. "Non, mais je veux dire, t'as quoi comme trips?" Ce n'est pas non plus un problème, il suffit de demander: acid, mdma, DMT, 2CB, 2CI. Ca fait beaucoup de psychédéliques pour un endroit où l'on est censé danser.

Je ne me sens pas très bien. Tout nouvel endroit nécessite un temps d'adaptation, et j'ai peur de trouver le week-end bien long, donc je décide de prendre un peu de mdma, ce qui s'est avéré être plutôt une mauvaise idée. A Ozora, deux ans plus tôt, je m'étais bien amusée une semaine sans une once de drogue ni d'alcool, alors pourquoi changer une recette qui gagne? Le mieux est l'ennemi du bien. Quelques heures plus tard, je suis malade, et je pense avec horreur aux inévitables Toi-Toi après une journée en plein soleil. Une fois de plus, tout mal a un bien. Un peu plus haut, j'aperçois les lumières d'un bloc sanitaire, qui brillent comme un phare dans ma nuit tourmentée. Les portes ne ferment pas, et je n'ai pas été le seul être vivant attiré par les lumières en pleine nuit, mais qu'importe, un peu de luxe ne fait pas de mal. Je me rattraperai demain.

Joies du camping, après une nuit passée à avoir froid, nous sommes réveillés au matin par un soleil brûlant. Le jour s'écoule tranquillement, animé par une recherche vaine de fromage frit à la brasserie du complexe touristique. Sur le chemin du retour, au détour d'un sentier qui, à défaut d'être un raccourci, s'est révélé être un champ d'orties, nous découvrons un autre type de festival: un rassemblement de tuning. Je suis aux anges. Des Skoda, Trabant, et même une Seat Ibiza, avec des moteurs chromés et des sièges en peau de panthère. Des enceintes puissantes d'où s'échappe la voix mélodieuse d'Inna. Mais où étais-je donc hier soir? Nous arrivons au moment de l'attraction principale, deux filles peu vêtues lavent une voiture avec des éponges sous les yeux curieux ou indifférents de la jeunesse. A coté, la même piscine qu'à notre festival, remplie d'une eau verdâtre et tiède, dans laquelle personne ne se baigne.

Le deuxième soir s'avère prometteur. Par désir de ne pas rester sur le carreau, je décide de tester cette poudre appelée 2CI, censée me donner envie de danser tout en procurant des hallucinations. Parfait. Ca m'a effectivement donné envie de danser, sauf que je ne pouvais plus bouger, mon corps pesant trois tonnes, et affublée d'un terrible mal de ventre. Bien dommage que l'incomfort physique m'empêche de profiter de la musique et de ces magnifiques jeux de lumières dans le ciel, et de ces beaux dessins dans le sol. Je réalise après quelques minutes que je suis peut-être finalement en train d'halluciner. André n'a pas l'air très bien non plus, mais comme il ne danse jamais, on ne voit pas trop la différence. La musique paraît venir de plusieurs endroits à la fois, de plusieurs univers différents, et je dois me concentrer pour réaliser qu'elle vient d'un seul et même DJ. C'est magique. On va faire un tour dehors, en marchant tout doucement et en rigolant de choses sans importance. Tout le monde a l'air un peu à l'ouest et personne ne nous prête attention. Une amie d'André surgit de nulle part dans la nuit en dansant, avec ses cheveux rouges. Ils se parlent trente secondes, mais elle ne tient plus "désolée, mais quand j'entends ça, je dois aller danser!" Et elle se dirige vers un feu de camp au son des tams-tams. Elle n'a rien pris, ça me rapelle Ozora. Nous retournons à l'espace chill-out, qui est déjà bien rapide à notre goût un peu distordu. Je me sens vraiment pas bien, comme la soirée dernière, mais sentant que je ne peux pas vraiment contrôler mon corps, vouloir vomir me semble inutile. J'ai l'impression que des insectes me piquent partout et pense à Fergie des Black Eyed Peas qui prenait du crystal meth et raconta la même sensation dans une interview. Ah zut. Je vais mettre un pantalon, puis je décide d'aller m'allonger. Il n'y a plus de place sur les coussins de l'espace chill-out, où sont étendus tous ceux qui n'ont pas retrouvé leur tente. Je compte les heures en attendant que les effets de la drogue se dissipent et que je puisse enfin me sentir un peu mieux et essayer de dormir. André fait de même. Vers cinq heures, le soleil se lève, moi aussi, sous les exclamations. De jour, tout est plus facile.

Le lendemain matin, je me dirige vers le stand de nourriture, à la recherche de toasts, de fromage frit, ou même de tofu grillé, mais ils n'ont plus rien à part de la truite et de la slivovice. Je me sens presque tchèque, jusqu'à ce que le serveur me demande en anglais si je suis polonaise. Je me contente de sourire en découpant la truite.

mercredi 6 juillet 2011

Heartbreak High

Vous vous demandez peut-être pourquoi je n’ai pas encore parlé de la raison pour laquelle je suis en Australie. Oui c’est curieux, penserez-vous, elle a tout pour être heureuse en France, et elle s’en va à l’autre bout du monde en plein hiver. Certains, plus au courant que d’autres, feront le lien entre ce voyage et mon sujet de thèse. Mais d’autres, encore plus perspicaces, savent déjà.

Derrière tout long voyage se cache une histoire d’amour. Enfin, pour moi, souvent en tout cas. Et l’Australie n’échappe pas à cette règle.

Il avait des cheveux noirs, un air taquin et un piercing à l’arcade. C’était un dieu du roller. Il venait d’une contrée chaude et exotique. Je veux parler bien évidemment de Drazic, le Drazic de Hartley Cœurs à Vif. Située dans une banlieue imaginaire de Sidney, cette série résume à elle tout ma vie entre, disons 1997 et 1999. Il y a eu sept saisons, mais pouvez-vous le croire : Drazic et Anita ne sont arrivés qu’à la cinquième saison ! Et pourtant, on ne souvient que d’eux. Enfin non, je mens une fois de plus. On se souvient de Mai la chinoise trop conne, Charlie, le gentil moche mais censé être pas mal quand même, Mélanie, la gothique trop laide qui part en Tasmanie, et la directrice frustrée. Mais pourquoi se souvient-on de la série ? Sûrement pas à cause de ces losers. Non, ce sont Anita et Drazic, deux êtres sublimes, qui ont imprégné mon cerveau juvénile de leur amour passionnel et cool. Anita, tes longs cheveux blonds et tes cols roulés bleu ciels, c’est toi que je retrouve quand Martina m’offre du strudel. Drazic, avec ta moue boudeuse et tes cheveux crépus, c’est toi que j’aime quand Markus porte ses piercings, quand Rob fait du skate, quand Romain fait la gueule. Un amour impossible et éternel, que je cherche désespérément à vivre dans mes aventures sans lendemain (oui la fiction dépasse parfois la réalité). Un amour éternel car les acteurs sont bel et biens sortis ensemble pendant des années. Mais un amour impossible, car ils sont tous les deux Poissons. Un dilemme digne d’une tragédie grecque !

Donc apprenant que Drazic a rompu avec Anita, et passant outre le fait qu’il soit désormais marié à Rachel (c’est qui celle-là ? pff), je suis partie en Australie à sa recherche. Ce n’est qu’il y a quelques heures que j’ai appris la terrible nouvelle. Drazic a été victime d’un accident de la route en 2004 et son visage a été entièrement refait à partir de plaques de fer. Une information non relayée par Le Parisien, qui décidemment n’est plus ce qu’il était. Il ne porte donc plus son piercing à l’arcade ! Enfer, mais quel est le but de ma vie maintenant ? Il est peut-être plus sage de le laisser dans les griffes de cette Rachel finalement. Et de toute façon je me suis trompée, je suis à Adelaïde et pas à Sidney. Heureusement, le hasard fait bien les choses, car, à peine mon cœur ayant-il mis Drazic de côté, j’ai fait la connaissance de Duncan et du Cycliste.

mardi 28 juin 2011

Couch Surfing part 2

Je ne connais personne à Adelaïde, et si vous avez lu la plupart de mes messages, vous avez compris que j’ai du mal à me faire des amis. C’est donc tout naturellement qu’au lieu de rentrer seule dans un pub, j’ai décidé de trouver des amis via internet. Il y a un pub en bas de chez moi, The British, established since 1832. Ca doit donc en faire un des bâtiments les plus anciens de la ville. A chaque fois que je passe devant, je pense à Michelle, qui allait tous les soirs au Dog, à un quart d’heure du campus vers le nord à Canterbury. Pas seulement pour draguer le serveur, mais parce qu’elle s’y sentait bien, à parler aux vieux messieurs et à caresser les chiens. Je n’ai pas son courage. Et elle dit ne pas avoir le mien de rencontrer des inconnus par le web. Une différence générationnelle peut-être. Je lance donc des bouteilles à la mer sur couchsurfing.org, non je ne cherche pas un canapé mais quelqu’un à qui parler. Kyle me répond, il a des dreads, il est canadien, et sur sa photo il fait du canoë. De toute façon, j’ai pas trop trié dans les options. Il me demande si je veux venir prendre le thé chez lui et si je suis végétarienne (un peu déconcertant, tea veut dire dîner en Australie comme c’est le cas à York ? et qu’en est-il au Canada ?). Et puis finalement il m’appelle. « Eh si tu veux, je dois raccompagner un ami dans les collines, alors on peut t’emmener voir le Mount Lofty si tu veux ». J’ai pas trop compris, je me rappelle vaguement avoir passé deux jours à lire des histoires de serial killers sur wikipédia avant mon départ, mais comme j’ai très envie de voir le Mount Lofty et qui ne tente rien n’a rien, je dis ok. Kyle et son ami aux cheveux teints en noir arrivent dans un vieux pick-up pourri me ramasser devant le zoo. Ils ont l’air sympa, donc je me méfie. Ils essaient de faire la conversation, mais c’est dur avec le bruit du moteur. Apparemment, ils habitaient le mois dernier dans un cottage dans les Adelaide Hills, où ils ont hébergé 25 couchsurfers dont 22 Français. Pas de bol, je pense, mais ça n’a pas eu l’air de les déranger, car ils ont tous sans exception proposé de faire des crêpes. De crêpes on parle de champignons (quoi mettre dedans), puis à mon sujet de master de l’année dernière, puis aux magic mushrooms, tout ça en vingt secondes à peu près. Pourtant j’ai franchement pas la tête de l’emploi. Gentiment, Kyle prend la scenic road pour grimper, et je me demande sérieusement si, plutôt que de me retrouver coupée en morceaux sous une pierre, le shérif ne va pas nous retrouver carbonisés au fond d’un ravin. Kyle tourne la tête pour nous montrer la vue, et à chaque fois le pick-up fait un écart. Alors je pense à ma mère et j’ai pas envie de mourir.

On arrive dans une petite maison d’où sort de la fumée de cheminée. Une petite dame avec des très gros seins nous accueille et nous sert du thé. Elle vient de passer six semaines en France et a proposé à trois jeunes à dreadlocks et cheveux teints en noir de housesitter sa maison. Kyle et ses amis ont donc nourri le chien et les poulets pendant six semaines, et la dame a l’air contente. « She is quite spiritual » me confie Kyle.

Nous laissons l’ami aux cheveux noirs quelque part près d’une autoroute et rentrons chez Kyle pour prendre le fameux tea et regarder un film. Il est très taciturne et j’espère ne pas le déranger, mais après tout c’est lui qui m’a proposée de venir. Il me demande si j’ai un copain, comme le moniteur d’auto-école, et ça me met un peu mal à l’aise. Arrivés chez lui, je lui cuisine donc un curry thaï pas bon avec du lait de coco périmé (il se nourrit avec les produits trouvés dans les poubelles du supermarché), puis on regarde un film de merde sur mon ordinateur. Maintenant, il house-sit la maison d’un couple homo, qui se sont mis en photo sur tous les murs, dans une banlieue d’Adelaïde qui s’appelle Prospect. Il me montre comment il a construit un didgeridoo avec un tube en plastique, et étonnamment ça marche. Puis comme il ne dit rien et moi non plus, et qu’en fait il fait tout noir, je lui demande de me raccompagner chez moi en voiture, ce qu’il accepte sans problème. Il me dépose à Melbourne street, et l’on se dit poliment qu’on s’appellera pour prendre un verre. Ce matin, je ne savais pas ce qu’il pensait de moi, alors je lui ai laissé une bonne review sur le site de couchsurfing, mais il n’a pas fait de même. C’est marrant, on dirait du blind dating. Peut-être que mon curry n’était vraiment pas bon.

Couch Surfing part 1

L’année dernière au mois de mai, j’ai sauté dans un train pour assister à un workshop sur la télépathie avec les animaux dans la banlieue de York, comme ça me prend de temps en temps. Ce fut ma première expérience de Couchsurfing. Je rencontre Siobhan vers 21h à la sortie du cinéma où elle travaille, elle m’avait tout de suite bien plu car elle avait un piercing au menton. Elle me propose d’aller boire une bière avec ses collègues, puis on prend le bus pour rentrer chez elle et son copain. Une petite maison dans la banlieue de York, typiquement anglaise, en brique. Il y a plein d’escargots dans la rue, comme c’est souvent le cas en Angleterre, allez savoir pourquoi. Elle a 24 ans, il en a 26, ils ont deux chats, et ils ont acheté ensemble cette maison. Je suis assez impressionnée, ça veut dire qu’ils savent qu’ils vont rester ensemble toute leur vie, c’est beau l’amour. Remarquez, il est Capricorne et elle est Scorpion, généralement c’est solide, l’un s’accroche avec ses cornes, l’autre avec ses pinces. Siobhan me regarde d’un air gêné, « tu sais, je t’avais dit une nuit seulement, mais tu peux aussi rester demain si tu veux ». Ils ont déjà accueilli deux Coréennes pendant trois jours, ils doivent en avoir marre, je suis touchée. Elle a dû être rassurée par ma cuculterie. Le copain me demande timidement s’il peut fumer, bien sûr pas de problème, et là il sort un beau sac d’herbe. Et au fur et à mesure, on se retrouve à regarder ce film au nom imprononçable avec des Q et des A dedans, des images sensée faire réfléchir et de la musique classique en fond, et à parler du sens de la vie, de la mort, et de l’acide. Ca me met dans l’ambiance pour le workshop à suivre. D’ailleurs ils insisteront pour en savoir plus le lendemain soir, autour d’une chope de bière, dans un lieu improbable : un bar tchèque de la vieille ville de York qui sert de la Bernard Pivo à la pression (ce n’est pas une blague). Un ou deux mois plus tard, Siobhan et son copain se sont séparés.

The Gym

Ici comme ailleurs, on retrouve les mêmes habitudes. Aller à l’autre bout du monde ne change pas grand-chose. Les premiers jours sont difficiles, on ne sait plus où on est, les bruits sont différents, les voitures roulent dans le mauvais sens. Alors on se raccroche à quelque chose de familier. Sans surprise, je me suis accrochée tout de suite au fitness center. C’est comme entrer dans un gymnase, ou même dans une église. Une certaine odeur, au fond toujours la même. Les machines, les cours d’aérobic dans une salle climatisée, les compteurs de calories et les filles blondes en mini-short. C’est tellement rassurant de savoir que, où que l’on aille, on va retrouver la même chose. Bon bien sûr, ce n’est pas valable partout. Ca me rappelle Canterbury, un été passé à aller à la gym tous les jours à la même heure, à croiser Paul, à regarder les canards par la vitre. Je ne suis pas encore à mon aise à Adelaïde, mais je sais déjà que ça me manquera, même si je n’en suis pas particulièrement fière.

J’ai bien dû faire rire la fille à l’accueil. Elle a une tête d’Anglaise, à moitié blonde à moitié rousse. D’une manière générale, les Australiens sont à part, mi-Anglais, mi-Américains, mi-Germaniques dans l’amour du vélo et du casque (oui je sais je ne suis pas bonne en maths). Elle me regarde venir la première fois, le premier jour d’ailleurs, avant d’aller dans le Napier building où se trouve le bureau que l’on m’a gracieusement prêté pour me branler pendant un mois. Elle ne dit rien, me laisse faire, prendre les horaires, inspecter d’un air curieux, et humer l’air ambiant. Je reviens en fin de journée. « Ah vous êtes revenue ! » Rien de plus. Ca me fait plaisir qu’elle m’ait reconnue, alors rien que pour ça je m’inscris. Si c’est une technique de marketing, elle est efficace. Je m’inscris et je m’en vais.

Je reviens trois jours plus tard, toute excitée à l’idée de tester le cours de Pilates du cru. J’arrive forcément un peu en retard, l’air perdu, mes baskets à la main, ma bouteille d’eau sous le bras, et mon sac à dos à fleurs à moitié cassé avec le câble de batterie de l’ordinateur qui dépasse. Une autre fille m’accueille, à côté de l’ « Anglaise ». Elle me demande de sortir ma carte de membre et trois dollars, évidemment je ne la trouve pas et toutes mes affaires tombent, un beau tableau. L’Anglaise rigole, « C’est bon elle est membre ». Les deux filles m’expliquent la marche à suivre, et j’essaie en vain de franchir le portillon en passant par la droite. Déjà à la bibliothèque j’ai tenté plusieurs fois de rentrer par la sortie, faut dire que tout est à l’envers ici. Je mets en route le vélo elliptique, le compteur commence à tourner, et tout de suite je me sens comme chez moi.

dimanche 26 juin 2011

Chroniques australiennes 2

J’ai voulu faire ma maligne en faisant une thèse sur l’Australie, alors maintenant il faut assumer. Je suis hébergée dans un bâtiment de l’université d’Adelaïde : une grande maison très froide à l’écart du centre-ville, qui doit bien pouvoir accueillir 10 personnes, mais bon « là vous avez pas de chance, vous serez toute seule pendant 15 jours ». J’ai bien choisi ma période, c’est l’intersemestre. Et sans internet bien sûr. Je cours donc acheter une clé 3G qui, même si elle me permet de regarder la météo, me condamne à dire adieu aux vidéos Youtube sur des chatons prenant des bains qui mangeraient mon forfait en deux minutes. Je décide donc d’aller faire un tour dans les rues animées de North Adelaide. A 17h il fait nuit noire, comme à Duke, comme à Canterbury en hiver, mais je n’y suis toujours pas habituée. Et l’éclairage public est en option dans la plupart des rues. Bon c’est pas grave, je devrais être guidée par les bruits des chopes de bière qui tintent, des éclats de rire et des rediffusions de matchs de rugby. Le hasard fait bien les choses, le Petit Futé m’apprend que j’habite à proximité de deux rues fameuses pour leurs soirées animées : O’Connell Street et Melbourne Street. Je me délecte à l’idée de bars enfumés et de beaux surfeurs que je vais pouvoir charmer avec mon frrrench accente. Je vérifie trois fois le nom ma carte, oui oui c’est bien là. On se croirait à Clermont-Ferrand un samedi soir d’avril (cf. les championnats de France 2000 et le seul restaurant d’ouvert qui était un kebab). Ils n’ont pas de pub dans ce pays ? A force de vouloir se la jouer chic et européen avec des fine dining restaurants tous les 10 mètres, il n’y a plus que ça. Je rentre déçue la queue entre les jambes manger des tartines au ketchup et aux brocolis (j’exagère, ça s’était en Angleterre avec Claire, mais presque), et regarder des films d’auteur (LOL notamment). Ma solitude fait pâle figure à côté des déboires des ados d’aujourd’hui.