vendredi 19 octobre 2012
Pot pourri 2
Quand j’étais petite, je voulais sauver le monde. Je voulais sauver les
enfants qui n’avaient pas eu ma chance. Je me sentais coupable. Je
voulais prendre leur place dans les bordels de Patpong, je voulais qu’on
brûle des cigarettes sur ma peau, qu’on m’enferme dans un placard sans
rien à manger, et alors j’aurais eu le droit de me plaindre, et j’aurais
pu tirer du plaisir à ma situation de martyr. J’aurais été un enfant
lâche, un enfant qui se fait gazer sans rien dire, la petite main
tremblotante dans celle de sa mère, un enfant qui n’ose pas s’échapper,
qui mange, qui souffre et qui meurt quand on lui dit de le faire.
J’aurais été un enfant obéissant. Quand j’étais petite, j’étais heureuse
quand j’étais malheureuse, quand je poussais à bout mes parents afin
qu’ils lèvent la main sur moi, quand je racontais que j’étais orpheline,
quand je m’inventais des histoires d’inceste qui n’étaient pas les
miennes. J’étais déjà un enfant pervers. Quand j’aurais été grande,
j’aurais été médecin dans l’humanitaire, j’aurais ouvert un orphelinat
pour les petites livrées à la prostitution, j’aurais été assistante
sociale. Je lisais les témoignages d’enfants battus avec une avidité
louche, voire malsaine. Je me détestais d’être l’enfant unique et gâtée
de parents aimants et attentionnés. Je voulais souffrir, sans savoir
vraiment savoir ce que ça voulait dire, en prenant la souffrance des
autres. Je voulais être du côté des faibles et des opprimés forts dans
le cœur, tout le contraire de moi en somme. Je voulais être des leurs.
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