Il existe deux inconvénients majeurs au voyage en bus. Premièrement, on a mal aux fesses. Deuxièmement, on s'arrête toujours à Waffenheim. Il est généralement aux alentours de quatre heures du matin, l'heure à laquelle on réussit à s'endormir un peu, entre les éclats de voix de Dirty Dancing (en tchèque), et les walkman des voisins. On se laisse bercer par un trajet sans fin, sans but,où seul le voyage compte. On va tout droit, très vite, parfois ça tangue dans les virages, mais on se dit peu importe, c'est sans importance, dans cet état de somnolence, on pourrait voyager comme ça des jours et des jours. Je ne sais pas si Waffenheim existe, si on peut le trouver sur google., mais il est bien là. Le bus s'arrête, au moment où l'on aimerait tellement que ça ne s'arrête jamais. Les lumière s'allument. Vous avez quinze minutes de pause, et le moment de grâce espéré pendant les sept premières heures du voyage s'envole. Certains préfèrent faire semblant sans ouvrir les yeux; mais ce n'est pas mon cas, il est temps d'affronter Waffenheim.
Je garde un très mauvais souvenir des toilettes du bus. Elles sont souvent propres, là n'est pas le problème. Une fois de plus où j'étais malade, j'ai voulu boire; j'ai vu, trop tard, que l'eau n'était pas potable. Rien que pour ça je descends du bus.
C'est une grande aire de repos à l'allemande, propre, trop éclairée, des victuailles plein la vue, j'ose pas chercher Bravo de peur qu'ils repartent sans moi. Je me dirige comme un automate vers les toilettes, comme les autres, aveuglés après avoir passé quelques heures dans la pénombre du bus. Et là elle se dresse. Je dis elle, mais c'est plus la représentation d'une figure universelle, pas forcément maléfique, la représentation personnifiée d'un obstacle qu'il va falloir franchir pour continuer. C'est à ce moment-là qu'on fouille frénétiquement dans ses poches à la recherche d'une pièce. C'est à ce moment-là qu'on ne sait plus quelle langue il faut parler, qu'on lance à tout hasard dobry den car on ne sait plus quel jour on est, quelle heure il est, qu'est-ce qu'on est venu chercher ici. Nein, fait-elle de la tête, sans que l'on sache à quoi elle fait référence: la langue qui n'est pas la bonne, la monnaie qui n'est pas la bonne, ma gueule qui n'est pas la bonne, le temps qu'il fait. Kein Pippi, je pense. Tout le monde semble passer sans encombre, et moi comme un saumon arrêté à un barrage stupide, je ne sais pas quoi faire, alors j'attends, et j'ai l'impression que c'est un peu à ça que se résume ma vie. Et puis il est temps de remonter dans le bus, pour les heures les plus longues.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire