lundi 31 janvier 2011

De retour à Paris

Paris-Lyon-Durham-Brno-Canterbury-Paris-Olomouc-Paris. La boucle est bouclée, je suis revenue à mon point de départ, et rien n'a vraiment changé. Lola n'est plus là. Quel que soit le pays dans lequel je vis, mes journées se résument à peu près à la même chose, sauf que là je me suis installée un hamac, j'ai upgradé. J'ai amélioré la technique de Rob: fumer un peu et l'on se concentre à nouveau sur son travail. Je fume tout, je ne travaille pas, et je m'en fous. Je ne sais pas si l'on peut parler d'amélioration, ni même si l'on peut dire que je suis l'instigatrice de ce style de vie révolutionnaire , mais en tout cas, ça semble convenir à Zadig. A nouveau depuis deux-trois ans, j'ai un peu d'argent. Je ne sais pas ce que je suis censée en faire, alors comme Penny j'achète des chaussures sur internet.
En choisissant cet appartement, j'avais peur du vis-à-vis avec le hlm d'en-face. Finalement, mon exhibitionnisme s'en accommode très bien, et j'ai presque l'impression de ne pas être seule. Il y a ces moments comme ça où l'on repense à ce qui nous avais mis en garde dès le début. Sans étonnement, je repense aux tarots. "Vous êtes solitaires mais ne supportez pas la solitude". "Vous le regretterez si vous le quitter mais la vie avec lui ne vous plaira pas". "Tu feras les mauvais choix, et non tu ne t'en rendras pas compte à temps". En même temps, c'est ça le destin, on ne peut rien y faire! Comme c'est reposant. Le retour a un sens que je ne comprends pas encore pour l'instant et que je ne peux pas changer.

La dame de pipi de Waffenheim

Il existe deux inconvénients majeurs au voyage en bus. Premièrement, on a mal aux fesses. Deuxièmement, on s'arrête toujours à Waffenheim. Il est généralement aux alentours de quatre heures du matin, l'heure à laquelle on réussit à s'endormir un peu, entre les éclats de voix de Dirty Dancing (en tchèque), et les walkman des voisins. On se laisse bercer par un trajet sans fin, sans but,où seul le voyage compte. On va tout droit, très vite, parfois ça tangue dans les virages, mais on se dit peu importe, c'est sans importance, dans cet état de somnolence, on pourrait voyager comme ça des jours et des jours. Je ne sais pas si Waffenheim existe, si on peut le trouver sur google., mais il est bien là. Le bus s'arrête, au moment où l'on aimerait tellement que ça ne s'arrête jamais. Les lumière s'allument. Vous avez quinze minutes de pause, et le moment de grâce espéré pendant les sept premières heures du voyage s'envole. Certains préfèrent faire semblant sans ouvrir les yeux; mais ce n'est pas mon cas, il est temps d'affronter Waffenheim.
Je garde un très mauvais souvenir des toilettes du bus. Elles sont souvent propres, là n'est pas le problème. Une fois de plus où j'étais malade, j'ai voulu boire; j'ai vu, trop tard, que l'eau n'était pas potable. Rien que pour ça je descends du bus.
C'est une grande aire de repos à l'allemande, propre, trop éclairée, des victuailles plein la vue, j'ose pas chercher Bravo de peur qu'ils repartent sans moi. Je me dirige comme un automate vers les toilettes, comme les autres, aveuglés après avoir passé quelques heures dans la pénombre du bus. Et là elle se dresse. Je dis elle, mais c'est plus la représentation d'une figure universelle, pas forcément maléfique, la représentation personnifiée d'un obstacle qu'il va falloir franchir pour continuer. C'est à ce moment-là qu'on fouille frénétiquement dans ses poches à la recherche d'une pièce. C'est à ce moment-là qu'on ne sait plus quelle langue il faut parler, qu'on lance à tout hasard dobry den car on ne sait plus quel jour on est, quelle heure il est, qu'est-ce qu'on est venu chercher ici. Nein, fait-elle de la tête, sans que l'on sache à quoi elle fait référence: la langue qui n'est pas la bonne, la monnaie qui n'est pas la bonne, ma gueule qui n'est pas la bonne, le temps qu'il fait. Kein Pippi, je pense. Tout le monde semble passer sans encombre, et moi comme un saumon arrêté à un barrage stupide, je ne sais pas quoi faire, alors j'attends, et j'ai l'impression que c'est un peu à ça que se résume ma vie. Et puis il est temps de remonter dans le bus, pour les heures les plus longues.